Last but not least
Torres del Paine, Chili
Aujourd’hui c’est le grand jour, mais aussi le dernier dans ce beau parc. Le réveil a sonné plus tôt que d’habitude ce matin, car la route est longue et difficile pour rejoindre Las Torres. Ce n’est pas trop une question de distance car on a fait bien pire (seulement neuf petits kilomètres), mais uniquement de dénivelé.
Nous devons monter de neuf cents mètres en un temps assez record car nous devrons redescendre presque aussitôt pour ranger toutes nos affaires et chopper le bus qui nous ramènera à Puerto Natales. Pas question de le rater, sinon on passe la nuit sur place et on rate notre bus de demain pour El Calafate.
Il nous faut aussi faire un crochet par la boutique du Lodge car nous n’avons plus de pain pour nos sandwiches de midi.
Bref, on quitte le campement avant 7h30, on est au taquet.
Mauvaise surprise : l’épicerie n’ouvre qu’à huit heures et alors que nous attendons comme deux abrutis, nous perdons toute notre avance.
Tous les pèlerins qui étaient encore endormis quand nous sommes partis sont maintenant en train de nous doubler en souriant. Autant vous dire que je fulmine…
La blague, figurez-vous, c’est qu’il n’y avait pas de pain. Il était trop tôt, m’avait-t-on répondu, il fallait attendre dix heures…
Nous repartons donc en vitesse. Même les imbéciles de français qui étaient avec nous dans le bateau à l’arrivée nous ont grillés. Autant vous dire que toute cette attente pour rien et le retard pris m’ont mise de très mauvaise humeur. Je passe donc devant en grognant tant que je peux et en imposant un rythme assez infernal.
Très vite, la pente devient raide et nous rattrapons illico les premiers insolents qui ont osé nous passer sous le nez devant le Lodge.
Je suis super motivée et je me dis que le retard est finalement rattrapable si on ne traîne pas. C’est à ce moment là que je commence à regarder mes pieds et à avancer sans plus lever les yeux du sol (rappelez vous, ma technique lorsque ça devient dur…).
Seb en chie grave. Il grimpe en s’aidant de son bâton trouvé sur le Glaciar Frances. Je m’arrête de temps en temps pour l’attendre et quand il arrive à ma hauteur, je repars. Il ne dit pas un mot mais je pense qu’aujourd’hui, il me déteste. A la fin de cette montée diabolique, nous avons repris notre place de leaders, devant toute la bande d’incapables de ce matin. Je me sens mieux !
Le reste du parcours jusqu’au Refugio Chileno est facile et nous arrivons à destination en cinquante minutes. Record explosé !!! Les temps moyens indiquaient deux heures trente. On trouve même du pain fait maison au refuge. Que demander de mieux ?!
Le second tiers du chemin est dans les bois. Le panneau indique une heure trente ; on décide que pour nous, ce sera quarante-cinq minutes.
Chose dite, chose faite, nous arrivons au pied du dernier tronçon comme prévu. Seb se pose un peu pour soulager son genou. Il oubliera son bâton contre un rocher en repartant.
La montée finale est ce que nous avons fait de plus dur jusqu’à maintenant. Le niveau de la pente est impressionnant et je me demande bien comment on va pouvoir redescendre sans tomber et rouler jusqu’en bas… Pour bien faire, il faudrait être encordés. Par terre, c’est du sable et des cailloux et autant vous dire que la moindre faute d’inattention ne pardonne pas. Ca durera une bonne vingtaine de minutes, puis on se trouvera face à un espèce de désert de pierre, ultime ligne droite avant d’apercevoir Las Torres.
En moins de trois heures nous y sommes et ce que nous avons sous les yeux valait bien quelques sacrifices ; les trois pics se trouvent là, imposants.
Le ciel est bleu comme je l’ai rarement vu et l’eau au pied des tours a également une couleur extraordinaire (l’eau qui provient de la fonte des glaciers est verte et a un aspect assez laiteux). C’est juste à couper le souffle. Rares sont les chanceux-dont nous faisons partie-à avoir fait le W dans de telles conditions.
Il n’y a pas un nuage dans le ciel. On dirait que les couleurs ont été boostées et que les sommets des Torres ont été détourés sur Photoshop !
Nous avons à ce moment là une pensée pour notre copine Eva, qui a tenté l’expérience quelques mois auparavant et qui a un souvenir impérissable de la pluie dans le parc de Las Torres del Paine (parlons-en aussi de celles-là, Eva ne sait même pas à quoi elles ressemblent en vrai). Elle va être jalouse en voyant ça !
Nous mangeons en tête à tête, sous le regard des trois dames.
Nous sommes là depuis plus d’une heure déjà quand les autres randonneurs commencent à arriver. Quant à nous, on décide de repartir. La foule, ce n’est pas trop notre truc.
Le retour se passe sans encombre et nous attendrons encore quelques heures avant de pouvoir prendre la navette qui nous amènera au bus, direction Puerto Natales.
Cette nuit, cela fait un an que nous sommes ensemble et nous fêtons notre anniversaire chez notre gentille mamie, qui nous a gardé une chambre et aussi quelques affaires que nous avions laissées sur place la dernière fois. Ce n’est pas un endroit très sexy mais bon, l’important c’est d’être ensemble, hein.
Et pis faut voir le bon côté des choses : on a une belle lampe de chevet…