Un cimetière pas comme les autres
Manille, Philippines
Comme nous n’aimons pas les visites touristiques, nous sommes allés visiter le cimetière chinois (de toute façon, pas beaucoup de touristes dans Manille ou alors on les a vraiment bien évités… )
Le voyage en taxi a déjà été épique dans le sens où le chauffeur ne savait pas où se trouvait ce que nous cherchions. Il a d’abord commencé par nous emmener au grand cimetière de Manille. Premier faux pas. Le garde nous a bien évidemment jetés, surtout qu’un convoi funéraire arrivait pas loin derrière nous.
Ensuite, il nous a lâchés à l’entrée du cimetière chilien, ce qui à l’évidence n’était pas le bon non plus. Nous ne saurons jamais si c’est sa bonne conscience ou le garde de l’entrée du cimetière qui l’a poussé à faire demi-tour, mais le fait est que notre taxi à fait marche arrière pour nous récupérer.
Après avoir demandé deux fois notre chemin, nous arrivons finalement à l’entrée du cimetière chinois.
Le garde à l’entrée nous a gentiment conseillé de prendre un guide. Le nôtre s’appellera Rodolfo. Il est apparemment également possible de faire le tour soi-même en louant un vélo à l’intérieur, mais nous vous recommandons le guide, sans quoi nous n’aurions pu vous raconter tout ce qui va suivre.
Alors, première différence avec nos cimetières, il y a très peu de tombes au sens classique du terme.
En effet, le guide nous expliquera au fil de la promenade qu’une fois qu’une sépulture est vidée du corps du défunt (apparemment beaucoup sont rapatriés en Chine au bout d’un moment), ils ne peuvent pas remettre une tombe au même endroit. Celles qui n’ont plus d’occupant sont donc laissées comme telles, éventrées.
En ce qui concerne les gens pauvres, un grand mur jaune composé d’une multitude de cases situé en bordure de cimetière leur est réservé. La famille choisit ensuite un numéro vide et y « empile » sont défunt. C’est assez glauque.
Pour ce qui est des gens plus aisés et des gens riches, c’est beaucoup plus amusant.
Ils se partagent les mausolées des allées centrales. Tout y est clairement question d’argent. Les moins fortunés se retrouvent dans d’étroites d’allées et les autres longent de grandes avenues, où les familles qui visitent leurs morts peuvent même garer leurs voitures.
En terme de décoration, c’est le même principe. En fonction des moyens des familles (où du conjoint survivant), certains mausolées sont simplement peints en blanc, carrelés, montrant toujours des portraits des défunts et toujours équipés d’un petit poêle, plus ou moins travaillé, pour brûler les offrandes. Je reviendrai plus tard sur ce dernier point.
Les plus luxueux se montent sur deux étages, avec une terrasse le plus souvent, une cuisine et des sanitaires au rez-de-chaussée, le tout habillé de marbre de Carrare et de bois précieux pour les meubles. Certaines poussent même le vice à avoir un jardin, un parking privé ou même un bassin. Ceux du roi de la nouille local, du fondateur de Wrangler ou de la famille de la plus grande productrice TV du pays valent le détour.
Mais tout cela, outre une compétition entre les plus riches, a aussi une explication pratique. Certains jours, comme la Toussaint par exemple, toutes les familles se retrouvent au cimetière pour visiter les défunts et leur rendre hommage.
Le cimetière prend alors des allures de fête puisque les proches y passent souvent la journée et piquent-niquent même sur place, ce qui explique les terrasses, tables, chaises, cuisines et toilettes. Le guide nous a également expliqué que les hommes y jouaient souvent des parties d’échecs ou de cartes.
En ces jours particuliers, les allées sont bondées. Même les vendeurs ambulants (burgers, tacos etc.) sont autorisés a y entrer. Un peu extravagant tout cela ! Le respect des morts n’a pas la même signification ici.
Pour ce qui est des symboles, certains portails sont ornés des symboles de la chance ou du « double bonheur ».
Pour les offrandes, peu importe la confession du défunt, il est bienveillant de brûler de l’argent pour les ancêtres, afin de s’attirer leur clémence. Même si bien évidemment ce sont des faux billets, leur taille et leur couleur influent sur leur valeur d’achat !
Autre détail : si vous regardez de plus près dans les tombes, vous verrez souvent un gros symbole rouge sur l’une des deux sépultures. S’il se trouve sur la tombe de gauche, cela veut dire que l’épouse du défunt est toujours en vie. S’il se trouve à droite, c’est l’homme.
Il est aussi courant que toute la famille soit au même endroit. Si c’est le cas, les parents auront toujours une pierre tombale plus haute que leurs enfants et ainsi de suite.
Dernière particularité de ce cimetière pas comme les autres, c’est qu’il n’y a pas d’exclusivité religieuse. Vous trouverez ainsi dans le temple un autel où Bouddha tient compagnie à Confucius et derrière tout ce monde, Jésus sur sa croix et la vierge à ses côtés, ainsi que quelques autres saints. Pas de jaloux, tout le monde est servi.
Enfin, si certains mettent des boissons ou de la nourriture près des défunts, il paraît que c’est normal, on ne sait jamais, si un jours ils avaient soif ou faim…